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ECONOMIE JAPONAISE

Deuxième puissance économique mondiale, et premier des grands pays développés en termes de PNB par habitant – alors qu'il cumule les handicaps géographiques, dans un cadre naturel isolé, étiré et fragmenté, soumis en permanence à la menace sismique, le Japon a su bâtir sa puissance sur une stratégie industrielle et commerciale à long terme, adaptée en permanence aux variations des marchés mondiaux et servie par une forte cohésion sociale.
 
Les problèmes d'environnement qu'a connus le Japon résultent, en partie, de cette inévitable concentration des activités humaines. Cette concentration est elle-même source de nuisances (bruit, déchets, gaz d'échappement), mais, à une quantité de pollution donnée, elle expose un plus grand nombre d'habitants que dans un pays à faible densité. Les facteurs décisifs ont cependant été l'accent mis, dans les années 1960, sur les industries lourdes et chimiques et sur les économies d'échelle (concentration des investissements) ainsi que sur le désordre de l'urbanisation. Toutefois, après une série de scandales, dont le plus grave fut celui de Minamata (pollution au mercure dans les années 1950, entraînant paralysies et malformations), et le vote d'une première loi en 1967, le Japon a accompli un gros effort de réglementation qui a peu à peu ramené les nuisances à un niveau d'ensemble honorable, notamment pour les gaz d'échappement. 
Agriculture
 
Le Japon fait figure d'exception parmi les pays développés en ce qu'il a conservé une micro-paysannerie nombreuse jusqu'à la fin du XXe siècle. En 1946, les autorités d'occupation avaient imposé une réforme agraire radicale en redistribuant 36 % des terres cultivées (2 millions d'ha) à 4,3 millions de familles. Cette petite paysannerie propriétaire était devenue le fief électoral du parti libéral-démocrate, qui la subventionnait à outrance et favorisait la décentralisation des activités industrielles vers les campagnes pour y créer des emplois de complément au nom de la «symbiose entre l'agriculture et l'industrie» (nôkô ittai). Grâce à quoi, en 1990, le Japon comptait encore 3,7 millions d'exploitations d'une superficie moyenne de 1,5 ha ; plus de 13 millions de personnes y vivaient, mais en tirant 80 % de leurs revenus de salaires d'appoint, avec un niveau de vie supérieur en moyenne de 10 % à celui des ménages urbains. 
 
La riziculture Le Japon est en effet le seul pays riche à avoir une tradition agricole centrée sur la riziculture. Mais le riz, base traditionnelle de l'agriculture, est aujourd?hui en recul. Entre 1980 et 2000, la consommation est tombée de 79 à 65 k/hab./an et la superficie des rizières a diminué de 25%. Si la riziculture occupait encore 45% de la superficie des terres agricoles en 2000, il ne représentait plus que 25% de la production agricole en valeur. Affectée par la surproduction depuis la fin des années 1960, la riziculture est de plus en plus réglementée par des quotas très stricts. L'Etat achète en effet la plus grande partie de la récolte à un prix dix à douze fois supérieur à celui des grands producteurs mondiaux et la revend à perte. Pour réduire les frais, il encourage donc aujourd?hui à réduire la production (10,5 Mt en 1990, 9,2 Mt en 1999) au profit de produits à plus forte valeur ajoutée et qui correspondent mieux aux nouveaux goûts des consommateurs. En 2000, les cultures maraîchères et fruitières représentaient 30% de la production agricole en valeur, l'élevage (surtout porc et poulet) 26% et les fleurs 5%. 
 
Vers la fin de la micro-paysannerie japonaise ?
L'agriculture ne tient plus aujourd'hui qu'une place marginale dans l'économie japonaise : elle n'occupe que moins de 5 % de la population active. La faible étendue des terres cultivées lui confère un caractère intensif, et l'exiguïté des exploitations, en dépit de la productivité, limite le revenu des agriculteurs : près de neuf sur dix sont obligés de prendre un travail annexe, qui, pour plus des deux tiers, représente la principale source de revenus. En dépit de ces compléments, l'agriculture attire de moins en moins les jeunes, et le nombre des exploitations ne cesse de diminuer (6 millions en 1960; 3,7 millions en 1990); ce mouvement s'accélère, car la majorité des exploitants est âgée. 
 
Les jours de la micro-paysannerie japonaise aparaissent donc comptés. Sa contribution à l'économie nationale est devenue insignifiante (2,3 % au PIB en 1993; 1,8 % du PIB en 1999) et le PLD a beau insister sur la «sécurité alimentaire» du Japon, elle est bien incapable de l'assurer. Les exigences de l'OMC et des Etats-Unis, qui exercent sur le pays de fortes pressions pour qu'il s'ouvre à la concurrence, et la grogne des consommateurs contre les produits alimentaires hors de prix ont obligé le Japon à ouvrir son marché, y compris pour le riz (1993), jusqu'à devenir le plus gros importateur mondial de produits agricoles, alors que la délocalisation accélérée de l'industrie vers les pays émergents d'Asie prive les paysans de leurs ressources d'appoint. Les jeunes désertent les campagnes et, en 1999, 46 % des actifs paysans étaient âgés de plus de 65 ans. Entre 1990 et 2000, le nombre des exploitations a diminué d'un tiers (de 3?7 millions à 2,47 millions) et les surfaces cultivées d'un quart. Au début du XXIe siècle, le secteur semble au seuil d'une restructuration radicale qui, selon le ministère de l'Agriculture, ne devrait laisser subsister à moyen terme que 400.000 exploitations économiquement viables, dont la taille moyenne atteindra 10 ha. 
 
Pêche et aquaculture 
 
La pêche, traditionnellement très développée (les Japonais n'ont réellement commencé à consommer de la viande qu'à l'ère Meiji), a bénéficié de la longueur des côtes (33.000 km) et de la richesse en poissons du Pacifique, due à la rencontre des eaux froides de l'Oyashio («courant père») et des eaux tièdes du Kuroshio («courant noir»). Ce développement tient aussi au goût des Japonais pour le poisson: les Japonais sont les deuxièmes consommateurs de poisson du monde (72 kg/an/habitant) après les Islandais; avec les biftecks de baleine et une très grande variété d'autres produits marins (algues, crustacés, mollusques), les Japonais tirent de la mer 40% des protéines animales qu'ils consomment. 
 
Jusqu'en 1989, avant d'être dépassé par la Chine et le Pérou, le Japon était donc au premier rang mondial pour la pêche. A côté d'un important armement industriel, il comptait encore alors 280.000 petits pêcheurs (2.040.000 personnes avec leurs familles) que le PLD protègeait avec le même soin que les agriculteurs. Mais la surexploitation des eaux territoriales, l'extension des zones de pêche par les pays exportateurs de poissons et une réglementation internationale de plus en plus restrictive ont réduit notablement les prises des chalutiers japonais (de 8,6 Mt en 1985 à 3,7 Mt en 1998). Une autre originalité du Japon est le développement important de son aquaculture (au premier rang de la technologie mondiale, tant quantitativement que qualitativement); mais ce secteur a également régréssé (3,3 Mt en 1985, 2,8 Mt en 1998). Le Japon a donc dû accroître ses importations en proportion, et il achète aujourd'hui environ 40 % des exportations mondiales de poisson. 
Ressources naturelles et énergie Le Japon a peu de ressources naturelles. Il continue à exploiter en quantités minimes de l'or, de l'argent, de l'étain, du zinc et du cuivre. En 1999, les mines employaient encore 60 000 personnes, mais la plupart s'acheminaient vers la fermeture à court terme, à l'exemple des houillères - qui, avant les années 1960, satisfaisaient encore 90 % des besoins nationaux, mais dont on n'extraie plus que 3,9 Mt (dix fois moins qu'en 1970) et dont les dernières devaient être fermées avant 2002. Relief et climat favorisent l'hydroélectricité, l'énergie solaire est utilisée dans le sud du pays, et le volcanisme prédispose le Japon à utiliser l'énergie thermale (encore peu développée), notamment pour le chauffage des serres. 
 
Comme l'industrie japonaise doit importer la quasi-totalité des matières premières et de l'énergie qu'elle consomme, elle a fait des efforts importants pour les économiser. Au lendemain du premier choc pétrolier, une loi a rendu obligatoire la présence d'un spécialiste des économies d'énergie dans les installations industrielles et a fixé des standards de consommation pour toutes les branches d'activité. Ces mesures permirent alors de réduire la consommation d'énergie de 43 % dans la sidérurgie et de 30 % dans l'automobile en cinq ans ; par la suite elle a toujours augmenté moins vite que la croissance économique. 
 
La dépendance à l'égard des importations, qui nourrit un sentiment de vulnérabilité, explique aussi l'effort réalisé pour développer l'énergie nucléaire, dont la part est passée de 1,2 % en 1970 à 14,3 % en 1980, 23,6 % en 1990 et 29,7 % en 1999 - ce qui place le Japon au second rang mondial derrière la France. Au début du XXI° siècle, le Japon est le seul pays à vouloir encore multiplier les centrales nucléaires et à poursuivre dans la voie des surrégénérateurs. Mais les années 1990 ont connu une série d'incidents dans les centrales qui attestent un certain laxisme des compagnies d'électricité en matière de sécurité ; l'opposition antinucléaire se fait de plus en plus résolue, et la multiplication des référendums locaux (voir ci-dessous le chapitre INSTITUTIONS) contre les nouveaux projets risque de freiner considérablement, voire de stopper l'extension du parc nucléaire. 
Industrie et BTP 
 
Le secteur secondaire employait 33,1 % de la population active en 1998, soit nettement plus qu'aux États-Unis (24 %) ou en France (25,5 %). Une raison est le poids exceptionnel du secteur de la construction (10,2 % de la main-d'œuvre), dopé par des travaux publics surdimensionnés qui représentaient plus de 8 % du PIB en 2000, soit trois fois plus que dans la plupart des autres pays développés. Les travaux publics sont utilisés systématiquement par le PLD comme un moyen de redistribuer à sa clientèle des régions rurales une partie des recettes fiscales prélevées sur le Japon des villes, et de créer des emplois de complément pour la «paysannerie». Les quelque 550 000 entreprises du BTP sont très actives aux élections et constituent une des premières forces politiques du pays. Mais depuis que le Japon est en crise, le gaspillage engendré par des travaux publics démesurés et surfacturés est de plus en plus critiqué. L'importance que garde le secteur secondaire résulte aussi de la logique qui a commandé la politique économique du Japon et qui l'a poussé à établir et conserver sur son territoire une gamme industrielle complète comme un instrument indispensable à son indépendance et à sa puissance nationale. Il n'y manque guère que l'aéronautique, démantelée par les Américains après 1945. La même logique explique le retard des entreprises japonaises en matière de délocalisation : en 1995, elles n'effectuaient encore que 6 % de leur production à l'étranger, contre 24 % pour leurs concurrents américains. 
 
En 1998, les industries lourdes et de première génération comptaient encore pour 28 % de la production manufacturière en valeur (chimie et dérivés 14,8 %; sidérurgie et métallurgie 12 %; textile 1,2 %). Celles qui ont fait du Japon une superpuissance exportatrice à partir des années 1970 comptaient pour 45 % (matériel électrique et électronique 18,3 %; automobiles et matériel de transport 14,8 %; machines et machines-outils 11,9 %). L'industrie de consommation comptait pour 20 %, dont plus de la moitié pour l'agroalimentaire, 4,5 % pour l'imprimerie et l'édition, et 1,5 % pour la confection. 
 
La production industrielle est concentrée dans trois pôles. En 1955, le Kanto (Osaka-Kobe) et le Kinki (Tokyo-Yokohama) en assuraient chacun 20 %. Mais les trente années de croissance rapide après 1960 ont surtout profité au Kanto, centre du pouvoir politique et qui concentre les grandes universités. En 1990, il assurait le tiers de la production industrielle, alors que le Kinki, qui abritait une grande partie des industries de première génération, avait reculé (13 %) et se trouvait dépassé par le Tôkai (Nagoya), bastion de l'automobile (13,6 %). Le littoral du Setouchi (Okayama, Hiroshima, Yamaguchi) a vu fleurir les gros combinats sidérurgiques pendant les années 1960 (6,5 %). Le Kyushu, d'abord voué à l'industrie lourde à cause de ses mines de charbon (Miike), a su attirer l'industrie électronique, jusqu'à assurer 10 % de la production mondiale des composants au milieu des années 1990.