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L'HISTOIRE du VIETNAM

 D'abord constitué au Tonkin, le Viêt-nam, au cours de sa longue histoire, a toujours cherché à s'étendre vers le Sud, tout en se défendant des visées expansionnistes de son puissant voisin du Nord, la Chine. Son unité nationale s'est forgée au terme d'une histoire jalonnée de guerres, de conquête ou de libération, dont les dernières – qui se sont étendues sur une période de trente ans (1945-1975) – ont été particulièrement ravageuses pour les populations civiles. 

 
La préhistoire 
 
Les vestiges mis au jour sur le site de Nui-Dô (province de Thanh Hoa) attestent de la présence humaine sur le sol vietnamien depuis le paléolithique. Au néolithique (sites de Bac-Son et de Hoà-Bînh), le brassage, dans le delta du fleuve Rouge (Sông Hông), de tribus viêts, de Muongs et de populations chinoises et indonésiennes donna naissance au peuple vietnamien. A la fin du IIe millénaire av. J-C (date traditionnelle : 1042 av. J-C), apparaît la civilisation dite «des tambours de bronze», dont le principal site est Dông Son (au nord-est de Thanh Hoa); les objets découverts dans les fouilles témoignent des relations commerciales que les dynasties semi-légendaires des Cent principautés du Bach Viêt entretenaient alors avec la Chine du Sud et l'Indonésie. Au milieu du IIIe siècle av. J-C (date traditionnelle : 247 av. J-C), An-Duong, souverain de l'une de ces principautés, le Tây-Au (aujourd'hui le Yunnan), s'empara du royaume voisin du Lac-Viêt et l'annexa pour former le royaume du Au-Lac (contraction de Tây-Au et de Lac-Viêt), sur lequel il régna jusqu'en 208 av. J-C Sa capitale était établie à environ 20 km de l'Hanoi actuelle. En 258 av. J-C, le royaume du Au-Lac fut à son tour intégré au Nam-Viêt, l'une des Cent principautés viêts des côtes du Tonkin, sur laquelle régnait la dynastie plus ou moins sinisée des Triêu. 
 
Mille ans de domination chinoise 
L'Asie vers 750 
 
Le Nam-Viêt, que les Chinois appelaient Nan yue guo (le «royaume des Yue du Sud») s'étendait jusqu'au 16e parallèle, aux environs de l'actuelle Da Nang. En 111 av. J-C, le Nam-Viêt fut conquis par le général chinois Lou Po-to et incorporé à l'Empire des Han, qui établit une commanderie à Xiang (aujourd'hui Hanoi). La domination chinoise ainsi établie dura plus de 1.000 ans (jusqu'en 938 après J-C) et marqua profondément le Viêt-nam, tant au point de vue des techniques que de la culture et de l'organisation sociale et politique (fonctionnaires mandarins recrutés par concours, diffusion du confucianisme, du taoïsme, du bouddhisme, et de l'écriture par idéogrammes). Cette domination, bien qu'elle ait apporté au royaume viêtnamien les bienfaits d'une civilisation alors plus avancée, et lui ait ultérieurement permis de s'affirmer de manière autonome, fut ponctuée de cruels abus, qui furent à l'origine de nombreux soulèvements : le premier d'entre eux, en 39 apr. J-C, fut mené par les deux sœurs Trung-Trac et Trung-Nhi, encore saluées aujourd'hui comme des héroïnes de l'indépendance nationale du Viêt-nam, et il fallut au général Ma Yuan («le général dompteur des flots») quatre années de guerre pour en venir à bout ; ce soulèvement fut suivi de nombreux autres, tels ceux de Triêu-Au en 248, de Ly-Bôn en 544, de Phùng-Hung en 793,... Les gouverneurs chinois de l'An-nam dô-hô-phu («Protectorat général de l'Annam») durent également s'opposer aux tentatives d'expansion vers le Nord du royaume hindouisé du Champa (le Lin-Yi des Chinois), fondé par les Chams en 192 dans la région de Huê, et qui contrôlait les territoires du centre et du sud du Viêt-nam actuel. La domination chinoise s'exerça cependant sur le Viêt-nam jusqu'en 939, date à laquelle Ngô-Quyên, vainqueur de la bataille de Bach-Dang, libéra le Nam-Viêt de l'emprise des Han du Sud. Sa mort, cinq ans plus tard, allait replonger temporairement le pays dans l'anarchie (période «des douze Su-quân») mais, en 968, le roi Dinh-Tiên-Hoàng parvint à reconstituer un empire unifié et indépendant, le Dai-Cô-Viêt. En 981, le Dai-Cô-Viêt repoussa victorieusement une dernière tentative des Song, mettant ainsi un terme définitif à la longue hégémonie que les Empires chinois et les royaumes de la Chine du Sud exerçaient sans interruption depuis plus de mille ans dans le bassin du fleuve Rouge et sur les côtes de l'Annam. 
 
Les dynasties nationales et la poussée vers le Sud À la brève dynastie des Ngô (939-968) fondée par Ngô-Quyên, succéda ainsi celle des Dinh (968-980), puis celle des Lê antérieurs (980-1009) et, surtout, celle des Ly (1010-1225) et des Trân (1225-1400), qui jetèrent les bases de la puissance vietnamienne au terme d'importantes réformes: renforcement de l'autorité royale et amélioration de l'organisation administrative du pays. Édifiée sur le site actuel d'Hanoi par ordre de Ly Thai Tô, fondateur de la dynastie des Ly, Thang Long («le dragon qui s'envole») devint, en 1010, la capitale d'un État qui prit le nom du Dai Viêt. Le pays fut partagé en vingt-quatre provinces. La cour obéissait à une hiérarchie stricte, avec un double corps de mandarins, civil et militaire. La création d'une puissante armée nationale, fer de lance de la lutte contre le Champa, favorisa l'avancée progressive du Dai Viêt vers le Sud; dès le XIe siècle, les provinces de Quang Binh et de Quang Tri furent annexées. En outre, les Ly instaurèrent une législation écrite et apportèrent un soin particulier au développement économique. Aux Ly succédèrent les Trân (1225-1413) qui allaient œuvrer dans le même sens. 
 
La consolidation de l'indépendance, le développement économique, la constitution d'un pouvoir centralisé sous les dynasties Lê, Ly et Trân permirent l'affirmation d'une culture nationale originale, bien qu'encore fortement influencée par la civilisation chinoise. Ces dynasties durent encore défendre leur territoire: les Ly contre les Chinois au XIe siècle, et les Trân contre les Mongols (1257, 1282, 1287). A la fin du XIVe siècle, une grave crise politique et sociale ébranla le pays; en 1406, les Ming en profitèrent pour lancer une armée de 200.000 hommes qui envahit le Dai Viêt et chassa le dernier souverain Trân. Mais cette occupation militaire du bassin du fleuve Rouge ne put être maintenue : dès 1418, un mouvement de libération souleva le pays contre l'occupant chinois, qu'il finit par rejeter du territoire en 1427. Le chef de ce soulèvement, Lê Loi, un propriétaire foncier, fonda la nouvelle dynastie des Lê postérieurs (1428-1789), qui connut son apogée sous le règne de Lê Thanh Tông (1460-1497). Celui-ci favorisa l'agriculture, développa le réseau de digues et de canaux, fixa le partage des terres communales, ce qui eut pour effet d'améliorer la production agricole. Avec la disparition des grands domaines, la centralisation administrative atteignit son plus haut degré, et la bureaucratie des mandarins bénéficia de nombreux privilèges. Pour servir cette administration, un appareil législatif fut institué en 1483 (code Hông Duc, premier code complet de l'histoire du Viêt-nam). Les frontières méridionales furent repoussées, grâce à une victoire décisive sur le Champa (1471), suivie d'une colonisation militaire (dôn diên) des territoires conquis, des plaines de l'Annam, de Quang Tri jusqu'au cap Varella; en outre, le Dai Viêt imposa sa suzeraineté aux royaumes laos du Mékong. La société féodale, sous les premiers rois Lê, au XVe siècle, connut un brillant essor, mais les souverains suivants ne purent faire face aux nombreuses révoltes et la décadence se manifesta de plus en plus au XVIIe siècle. 
 
Nominalement, les rois Lê régnaient sur tout le pays, mais en réalité deux familles rivales se le partageaient: les Trinh dans le Nord (le futur Tonkin des Européens), les Nguyên dans le Sud, qui établirent leur capitale à Huê. De 1627 à 1672, le Nord et le Sud se livrèrent des guerres incessantes, qui laissèrent la victoire finale au Sud. Dans le Nord, les Trinh avaient établi une société très hiérarchisée, sur le modèle chinois. Les mandarins, qui concentraient la propriété foncière, soumirent les paysans à de durs impôts. Dans le Sud, les Nguyên organisèrent une société moins stricte. Ils achevèrent le démembrement du royaume du Champa, prirent Saigon en 1698; enfin, poursuivant leur expansion vers le Sud au détriment de l'Empire khmer, tombé en décadence, ils occupèrent le delta du Mékong. À la fin du XVIIIe siècle, la colonisation vietnamienne aborda les provinces du Transbassac, et le Cambodge passa progressivement sous le double protectorat des Thaïs, à l'ouest, et des Vietnamiens, à l'est, ces derniers devenant ainsi les maîtres de toute la région qui sera appelée Cochinchine par les Européens. Ceux-ci, missionnaires et commerçants, avaient commencé à s'établir dans le pays à partir du XVIIe siècle. Les Portugais, puis les Anglais et les Hollandais entrèrent en concurrence. Les missionnaires jésuites, notamment, se montrèrent très actifs; parmi eux, le père Alexandre de Rhodes contribua à la diffusion d'une écriture romanisée du vietnamien (le quôc-ngu). Mais les États vietnamiens n'accueillaient pas favorablement cette pénétration étrangère «des barbares impies de l'Ouest». 
 
Si la situation des paysans était meilleure au sud qu'au nord, c'est pourtant dans le Sud qu'éclata une révolte populaire qui allait conduire à la réunification du Dai Viêt. En 1773, trois frères, appelés Tây Son, du nom de leur village, près de Qui Nhon, se révoltèrent contre les Nguyên; avec l'appui des Trinh, ils prirent Saigon et l'Annam, puis se retournant contre les Trinh, ils occupèrent Hanoi (1786). Les frères Tây Son, après avoir définitivement éliminé la dynastie Lê, se partagèrent le Dai Viêt; l'un d'eux, Nguyên-Huê, se proclama empereur sous le nom de Quang-Trung, et établit sa capitale à Hanoi. Mais, en ne procédant pas à une réforme agraire, les Tây Son déçurent les paysans qui les avaient soutenus, et ne purent s'opposer au retour au pouvoir, dans le Sud, d'un héritier des Nguyên. Celui-ci, Nguyên Anh, trouva un appui auprès d'un missionnaire français, Mgr Pigneau de Béhaine, pour reconquérir le pays; après avoir fait la conquête de la Cochinchine, il s'empara de Huê et de Hanoi, et mit en déroute les seigneurs du Nord et la dynastie des Tây Son (1786-1802). 
 
L'événement est capital; sous le nom de Gia Long (1802-1820), Nguyên Anh devint le premier empereur vietnamien à régner sur un empire, qu'il nomma Viêt-nam, et qui s'étendait de la frontière chinoise au golfe du Siam (Thaïlande). Fondateur de la dynastie des Nguyên (1802-1945), Gia Long, après s'être assuré du soutien de la Chine, réorganisa et modernisa son État qui, bien que centralisé, respecta les particularismes des trois provinces: Tonkin, Annam, Cochinchine. Il fit construire des routes (dont la «route Mandarine»), des digues, des citadelles (notamment à Huê, sa capitale), des ports et procéda à une réforme agraire. Le Viêt-nam restait toutefois fortement sinisé : nouveau code, dit code Gia Long, inspiré de celui des Qing, confucianisme, taoïsme, culte des ancêtres, mandarinat, etc. Le règne de Gia Long marqua l'apogée de la puissance politique du Viêt-nam, qui dominait le Cambodge, et constitua une période de brillant essor culturel. 
 
La conquête française (1858-1896) 
L'Asie en 1900 Chronologie (1883) 
 
Les successeurs de Gia Long furent de bons administrateurs, mais les menaces extérieures ne tardèrent pas à se préciser avec l'intervention de la Grande-Bretagne en Chine (1842), qui fut contrainte d'ouvrir ses ports aux Occidentaux. Craignant une attaque semblable, le roi Tu-Duc (1848-1883) décida de fermer le Viêt-nam aux influences occidentales et autorisa la persécution des missions catholiques, suspectées d'être des agences de renseignement au service de l'étranger. La réaction de la France, qui désirait prendre pied en Indochine, ne tarda pas : en 1858, l'amiral Rigault de Genouilly, qui commandait l'escadre franco-espagnole faisant route vers la Chine, bombarda et enleva Tourane (Da Nang). L'année suivante, les Français s'emparèrent de Saigon et, en 1867, firent de la Cochinchine une colonie. Au nord, la recherche d'un accès à la Chine entraîna deux expéditions successives. Ainsi en 1883, la France occupa Huê; un traité de protectorat fut ensuite signé, et le pays fut bientôt divisé en trois parties: le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine. Enfin, en 1887, la création de l'Union indochinoise (au Viêt-nam avait été joint le Cambodge, puis le Laos unifié) jeta les bases de la domination française sur l'Indochine (1887). Colonie d'exploitation, l'Union indochinoise fut considérée par la France comme le «fleuron de son empire». 
 
Montée du nationalisme et création du PCI (1896-1941) 
 
La résistance à la colonisation française à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle fut principalement le fait des lettrés. Elle fut incarnée par deux hommes: le premier, Phan Boi Chan, réfugié au Japon avec un jeune prétendant au trône, revendiquait l'indépendance du pays au prix, si besoin était, d'une intervention armée étrangère; le second, Phan Chan Trinh, plus modéré, appelait la France à respecter plus strictement un régime de protectorat sans plus intervenir dans les affaires courantes du pays. Cette tendance réformiste céda le pas, à partir des années 1920, à des mouvements plus révolutionnaires: le parti national vietnamien et le parti communiste indochinois (PCI), fondé à Hongkong en 1930 par Nguyên Ai Quôc, le futur Hô Chi Minh, qui fut membre du parti communiste français (1920), puis du Komintern (1923). Mettant à profit la grave crise économique des années 1929-1930, qui toucha notamment l'agriculture de plantation, le PCI organisa de nombreuses manifestations et grèves; celles-ci furent sévèrement réprimées, et les principaux meneurs, parmi lesquels Nguyên Ai Quôc lui-même, furent arrêtés. Ayant ainsi rétabli l'ordre par la répression, le gouvernement français, face à l'évolution de la société vietnamienne, fut toutefois contraint de lâcher du lest: en 1932, il fit accéder au trône le jeune empereur Bao Dai, formé en France et de réputation réformiste. Les mesures engagées ne tardèrent pas à décevoir, sans pour autant remettre en cause la présence coloniale. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la reprise économique était toutefois réelle : le pays possédait 14.000 km de routes asphaltées, 2.600 km de voies ferrées permettant de rallier aisément Hanoi à Saigon, des ports modernes, une agriculture de plantation de premier plan (hévéas, théiers) et une industrie qui se diversifiait. Les conditions de travail avaient été globalement améliorées, mais les salaires demeuraient très bas; plus de 80 % de la population était analphabète et, malgré des campagnes de vaccination, un enfant sur trois mourait au cours de sa première année. Ce développement, pour le moins contrasté, se traduisait néanmoins par la montée de nouvelles élites nationales, impatientes d'accéder au pouvoir politique. 
 
La Seconde Guerre mondiale et la guerre d'Indochine 
 
Chronologie (1946) Hô Chi Minh : la proclamation de l'indépendance de la République du Viêt-Nam (extrait) A partir de 1941, la France, vaincue et occupée, ne peut se maintenir en Indochine, face au Japon, qu'au prix d'importantes concessions économiques et militaires, parmi lesquelles le droit d'utiliser de nombreuses bases navales et aériennes dans le pays. Le 9 mars 1945, après leur défaite dans le Pacifique, les Japonais prennent le contrôle militaire de l'Indochine et, par crainte d'être pris à revers, désarment les troupes françaises. Quelques mois plus tard, profitant de la capitulation japonaise, les forces du Viêt-minh («Front pour l'indépendance du Viêt-nam», créé par les communistes en 1941) passent à l'offensive et occupent Hanoi, où Hô Chi Minh proclame l'indépendance du Viêt-nam (2 septembre 1945). Cependant, la France, soutenue par les Alliés dans ses «droits souverains» sur l'Indochine, réinvestit immédiatement le Sud et décide de négocier avec le régime de Hanoi (fin 1945). La conférence qui se tient à Fontainebleau, au cours de l'été 1946, échoue. Cet échec entraîne du même coup la réoccupation militaire du Tonkin par l'armée française. 
 
A partir de 1949, la victoire de Mao Zedong et l'avènement de la République de Chine populaire changent profondément les données politiques. Soutenues militairement, les forces du Viêt-minh passent à l'offensive. Pilonnées par l'artillerie du général Giap, les forces françaises, après une longue résistance, capitulent le 7 mai 1954 à Diên Biên Phu. Après ce désastre, le sort de la guerre est jeté. Signés à l'issue d'une conférence internationale, les accords de Genève (juillet 1954) mettent fin à la domination française et décident la partition provisoire du pays, de part et d'autre du 17e parallèle. Des élections sont prévues, préalablement à une unification projetée en 1956, mais on évoluera vite vers une séparation durable entre la République démocratique du Viêt-nam (RDVN), au nord, dirigée par Hô Chi Minh, et la République du Viêt-nam, au sud, d'abord dirigée par Bao Dai, puis, après sa déposition en octobre 1955, par Ngô Dinh Diêm. 
 
La guerre américaine (1954-1975) 
 
Le cessez-le-feu institué dure peu. Au cours des mois suivants, les opérations militaires reprennent entre l'armée régulière du Viêt-nam du Sud et les opposants – principalement communistes – regroupés à partir de 1960 au sein du Front national de libération, ou «Viêt-cong», et soutenus par le Nord. Pour faire face aux attaques des Viêt-cong, le Premier ministre, Ngô Dinh Diêm, fait appel, à partir de 1960, à l'aide militaire des États-Unis, qui envoient d'abord des conseillers spéciaux, puis des troupes, de plus en plus nombreuses à mesure que la situation militaire se dégrade. En 1968, le corps expéditionnaire américain comprend près de 600.000 hommes qui peuvent compter sur leurs bases arrière thaïlandaises et philippines. La rupture sino-soviétique, en 1960, affaiblit la position d'un Viêt-nam du Nord, qui refuse de s'aligner sur Moscou ou Pékin mais continue à réclamer l'aide de ces deux capitales. De plus, le conflit vietnamien, en se régionalisant (il est porté au Laos, puis au Cambodge, en 1970, par les Américains et les Sud-Vietnamiens), devient l'un des théâtres majeurs de la guerre froide. En dépit de la puissance de feu et des intenses bombardements américains sur le Nord, la guerre s'enlise et suscite la réprobation d'une partie importante de l'opinion publique américaine et internationale. L'offensive viêt-cong du Têt, qui manque emporter Saigon fin janvier 1968, décide les Américains à engager des pourparlers directement avec Hanoi; ces négociations, longtemps tenues secrètes, aboutissent, en janvier 1973, aux accords de Paris au terme desquels les Américains s'engagent à évacuer militairement le Viêt-nam. Ces accords, en même temps qu'ils mettent fin à l'intervention directe des États-Unis, reconnaissent deux autorités au Viêt-nam du Sud : le gouvernement de Saigon et le Viêt-cong, sous le nom de Gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP), chacun contrôlant ses propres zones. En fait, la guerre reprend presque aussitôt entre les deux parties. Pour peu de temps cependant, car, en janvier 1975, le GRP, appuyé par les forces du Nord, lance une offensive finale qui s'achève, le 30 avril, par la prise de Saigon (rebaptisée aussitôt Hô Chi Minh-Ville). En juillet 1976, la nouvelle Assemblée nationale proclame la réunification du pays, sous le nom de République socialiste du Viêt-nam. 
 
La réunification et la reconstruction Le Viêt-nam réunifié doit faire face aux immenses ravages de la guerre: des millions de morts, de personnes déplacées (infirmes, orphelins, réfugiés, déclassés). Le gouvernement engage le Sud dans la voie du socialisme: nationalisation des entreprises privées et du secteur bancaire, contrôle du commerce, collectivisation des terres... Cette politique, jointe pour beaucoup à la crainte d'un exil dans les «nouvelles zones économiques rurales» (sur les hauts plateaux), entraîne l'exode, souvent tragique, de centaines de milliers de personnes par la mer (les boat people). 
 
Sur le plan de la politique extérieure, le Viêt-nam, aligné sur l'Union soviétique dont l'aide lui était indispensable, s'est vite heurté à la Chine. Sa victoire de 1975 poussa Hanoi à étendre son influence politique sur les pays de l'ex-Indochine française. Fin 1978, prenant le prétexte d'incidents frontaliers, l'armée vietnamienne envahit le Cambodge, en proie au génocide perpétré par le gouvernement des Khmers rouges (soutenus par la Chine), et impose à Phnom Penh un gouvernement dirigé par Heng Samrin. Mais l'aventure tourne court en raison de la vigoureuse résistance armée khmère, soutenue par la Thaïlande et la Chine, et du désaveu de la communauté internationale face à l'établissement de ce protectorat de fait sur le Cambodge; par ailleurs, la Chine intervient militairement dans le nord du Viêt-nam en 1979 et en 1987. La situation intérieure empirant, Hanoi fut forcée, à partir de 1984, de retirer peu à peu ses forces du Cambodge. La situation économique était en effet devenue catastrophique; en 1986, le VIe congrès du parti communiste propose un programme de rénovations, le Dôi Moi; il s'agit d'avancer vers l'économie de marché et de démocratiser la société. Cette libéralisation de l'économie s'accentue encore après l'effondrement du communisme dans l'Europe de l'Est, au début des années 1990. L'écroulement de l'URSS rend le soutien russe de plus en plus faible; en 1991, la Russie se désengage totalement du Viêt-nam ; à partir de 1992, celui-ci entreprend de renouer des contacts diplomatiques et commerciaux avec la France, l'Europe occidentale et les Etats-Unis (qui, le 3 février 1994, lèvent l'embargo commercial qu'ils imposaient au pays depuis 1975), et le pays s'ouvre à nouveau au tourisme et aux investissements étrangers. Le Viêt-nam adhère alors à l'ANSEA (1995). En juillet 1996, Do Muoi, secrétaire général du parti, Lê Duc Anh, chef de l'Etat, et Vo Van Kiet, Premier ministre, ont été réélus à l'issue du VIIIe congrès du parti communiste. Le 25 septembre 1997, Trân Duc Luong, vice-Premier ministre depuis 1987, est élu pour cinq ans à la présidence de la République, et nomme Phan Van Khai à la direction du gouvernement. Faute de profondes réformes structurelles de son économie, le pays accroît en 1999 son retard par rapport aux économies de la région, qui renouent avec la stabilité, après avoir subi le contrecoup de la crise asiatique. Par ailleurs, le gouvernement de Phan Van Khai, confronté à l'aggravation du malaise social engendré par une corruption généralisée et des taxes de plus en plus lourdes à acquitter, annonce le lancement d'une nouvelle campagne de lutte contre la corruption, semblable à celle qui avait précédé en 1985-1986 l'ouverture du pays aux investisseurs étrangers et aux touristes. En novembre 2000, pour la première fois depuis la fin de la guerre en 1975, un président américain – Bill Clinton – s'est rendu au Viêt-nam lors d'une visite officielle. 
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