Accueil

HISTOIRE du YEMEN

L'histoire du Yémen antique, peu étudiée, reste enfouie sous les sables. Les textes les plus anciens découverts à ce jour ne permettent guère de remonter au-delà du Ve siècle av. J-C On sait cependant, par certaines inscriptions sud-arabiques, que des civilisations se sont épanouies sur ces territoires dès avant le Ier millénaire. 
 
Le royaume de la reine de Saba 
 
La légende de la reine de Saba et sa visite auprès du roi Salomon, relatée aussi bien dans la Bible que dans le Coran, nourrissent une certaine fascination européenne pour cette lointaine contrée. Plusieurs royaumes se sont succédé de 1500 av. J-C à 300 apr. J-C Le plus célèbre d'entre eux, celui de Saba, avait Marib pour capitale. La puissance de ces royaumes aux confins du désert reposait sur deux facteurs: une agriculture rendue possible grâce à la maîtrise de l'irrigation et une intense activité commerciale. L'Arabie du Sud avait le privilège de produire – notamment dans le Dhofar et l'Hadramaout – de l'encens, de la myrrhe, de la cannelle et des aromates, dont les civilisations méditerranéennes (Grèce, Égypte...) étaient très demandeuses pour les besoins des rites religieux et les usages médicaux. Parcourue par d'immenses caravanes, la route de l'encens, tracée en bordure du désert, évitait les reliefs. Par cet itinéraire transitaient également des richesses venant de l'Inde. L'apogée de ces royaumes d'Arabie semble se situer aux IIIe et IIe siècles av. J-C Mais l'apparition de nouvelles routes commerciales fut le facteur déterminant du déclin: le commerce terrestre avec l'Inde se détourna de la route de l'Arabie du Sud pour transiter par la Mésopotamie et rejoindre les ports méditerranéens. 
 
Les Himyarites des hauts plateaux prirent ensuite l'ascendant en Arabie du Sud. Certains souverains adoptèrent le judaïsme, d'autres le christianisme. Une invasion éthiopienne mit fin à leur dynastie en 525, et Sanaa devint capitale. Cette nouvelle domination fut éphémère, et l'Arabie du Sud, convoitée par les Perses, devint, un temps, une satrapie. 
Le Yémen musulman: le pays des zaydites 
 
 
En 628, le gouverneur perse du Yémen se convertit à l'islam, entraînant dans sa démarche l'ensemble de son peuple. De nombreuses mosquées sont construites, et le pays participe largement à la propagation de l'islam. Poussées par le zèle des nouveaux convertis, les cohortes yéménites deviennent le fer de lance des armées musulmanes, instrument des grandes conquêtes arabes. Bien souvent en proie aux rivalités tribales, le Yémen devient une province de l'empire abbasside. 
 
C'est précisément pour arbitrer des conflits tribaux qu'un imam descendant d'Ali fonde à la fin du IXe siècle la dynastie chiite des zaydites. L'histoire de l'imamat zaydite révèle la constance des conflits entre imams et tribus (l'imamat est en lutte pour la suprématie avec de nombreuses autres dynasties). 
 
 
À partir du XVIe siècle, le Yémen, épuisé par les querelles intestines, subit la domination étrangère. Les Portugais tentent sans succès d'établir des comptoirs, et les Ottomans s'emparent du pays pour plus d'un siècle. C'est à l'époque ottomane que la culture et le commerce du café prennent leur essor. Les imams zaydites recréeront un État indépendant, sans parvenir jamais à établir durablement leur autorité sur l'ensemble du pays. 
 
 
Le partage entre Britanniques et Ottomans En 1839, les Britanniques contrôlent Aden, escale importante sur la route des Indes. En 1843, la ville, sous la dépendance de l'empire colonial des Indes, devient une place forte. Cette installation fait tache d'huile, et la Grande-Bretagne signe des traités de «protection» avec de nombreux souverains ou chefs de tribu locaux. Les Britanniques contrôlent les territoires qui formeront plus tard le Yémen du Sud. De leur côté, les Turcs reviennent au Yémen en 1849 et renforcent considérablement leur présence après l'ouverture du canal de Suez. Au début du XXe siècle, les sphères d'influence turque et britannique se précisent, et en 1905 un accord entre les deux puissances trace la «Violet Line», qui deviendra ultérieurement la frontière entre les deux Yémens. Les Turcs se retirent du Yémen en 1919, au lendemain de leur défaite. 
 
 
Les deux Yémens 
 
 
Dès lors, les deux entités territoriales évoluent indépendamment l'une de l'autre. 
 
 
Le Yémen du Nord Yémen 
 
Sous la férule de l'imam Yahya, le Yémen du Nord apparaît comme un pays sous-développé et arriéré, fermé à toute influence étrangère. L'imam tente sans succès de réaliser l'unité du pays. Dans le Nord, il entre en conflit avec l'Arabie Saoudite, mais, battu, doit admettre la souveraineté saoudienne sur la région de l'Asir (1934); pour le Sud, un traité de 1926 reconnaît la domination britannique sur Aden et les territoires voisins. En 1948, l'imam Yahya est assassiné. Son fils Ahmad réussit à s'emparer du pouvoir. Jusqu'à sa mort, en septembre 1962, celui-ci dirige le pays depuis Taiz, l'ouvre aux influences extérieures et engage une politique de modernisation et de développement de l'instruction. En 1962, une semaine après la mort d'Ahmad, un coup d'État militaire, soutenu par l'Égypte, renverse l'imam, qui s'enfuit en Arabie Saoudite, et la République arabe yéménite (RAY) est proclamée. 
 
Le Yémen connaît alors une période sanglante: sept ans de guerre civile opposent les républicains, soutenus par l'Égypte nassérienne qui envoie pendant cinq ans un corps expéditionnaire, aux royalistes, soutenus par l'Arabie Saoudite. Le conflit se termine en 1967 par le retrait des troupes égyptiennes. En 1970, une nouvelle Constitution est promulguée, favorable aux puissances occidentales; l'Arabie Saoudite reconnaît la République du Nord. Cependant, le pays se heurte de plus en plus violemment à son voisin marxiste du Sud. 
 
La guerre entre les deux Yémens (septembre-octobre 1972) se termine par un traité qui projette, à long terme, l'unification des deux États, mais qui reste sans effet. L'assassinat du président de la République, en juin 1978, provoque la rupture des relations diplomatiques puis, en mars 1979, une guerre ouverte avec le Yémen du Sud. 
 
Le lieutenant-colonel Ali Abdallah Saleh, nommé président de la République en juillet 1978, se révèle un politique habile: nonobstant les pressions de Riyad et de Washington, il fait appel à l'aide militaire soviétique en 1980, et mène, à l'intérieur, une difficile politique d'équilibre entre les forces conservatrices et progressistes. En novembre 1981, il obtient d'Aden (avec qui les relations se sont notablement améliorées) la réduction de son aide aux maquisards du Front national démocratique (FND), qui se livrent à la guérilla dans le Sud. Une paix des braves est finalement signée au début de 1983, le FND dépose les armes. En mai 1983 puis en juillet 1988, Ali Abdallah Saleh est réélu à la présidence de la République. En 1989, un accord est signé avec le Yémen du Sud, qui permit la réunification des deux pays en 1990. Quatre ans plus tard, les conditions d'une nouvelle scission sont à nouveau réunies, fragilisant davantage l'économie. 
Le Yémen du Sud 
Yémen 
 
Dans les années 1960, le Yémen du Sud est confronté à des événements violents. Pour les Britanniques, qui souhaitaient constituer avec les principautés de l'arrière-pays une fédération de l'Arabie du Sud, Aden restait une base de première importance. Tandis qu'un puissant mouvement nationaliste s'affirme – mené par le Front national de libération (FNL) –, la Grande-Bretagne se retire, et l'indépendance est proclamée en 1967. 
 
En 1969, l'aile gauche du Front l'emporte, et, en 1970, le président Salim Ali Rubayyi instaure le seul régime marxiste de la péninsule Arabique. La réforme administrative et la réforme agraire soulèvent l'opposition des chefs des tribus et des milieux religieux, soutenus par l'Arabie Saoudite. Les contradictions de la politique de Rubayyi (rapprochement avec l'Arabie Saoudite en 1976, mais politique agressive à l'égard du Yémen du Nord), ses ambitions personnelles et son isolement au sein du FNL provoquent en juin 1978 un soulèvement militaire au cours duquel il est renversé et exécuté. Un nouvel homme fort s'impose à la tête de l'État en octobre 1980: Ali Nasir Muhammad. Marxiste convaincu, partisan inconditionnel de l'URSS, il se montre pourtant soucieux de rompre l'isolement diplomatique de son pays. Mais cette orientation est remise en cause par l'aile dure du parti socialiste yéménite (parti unique); les dissensions s'exaspèrent et les règlements de comptes entre opposants laissent un pays dévasté. Ali Nasir Muhammad, évincé, doit s'exiler. Le nouveau président, Abou Bakr al-Attas, poursuit pourtant, sous la pression de Moscou, la politique de rapprochement avec le Yémen du Nord aboutissant à la réunification de 1990. 
Le problème de la réunification Bien que la réunification ait été proclamée le 22 mai 1990, la réconciliation s'est avérée difficile. En attendant des élections prévues pour avril 1992, des dispositions avaient été prises pour organiser une période transitoire. Le parti socialiste yéménite (PSY) et le Congrès général populaire (CGP), qui régnaient sans partage (le premier dans le Sud, le second dans le Nord), s'étaient mis d'accord pour gérer le pays en se répartissant le pouvoir au sein du Parlement et du Conseil présidentiel. 
 
Le compromis apparaît vite difficile à mettre en œuvre. Attentats et émeutes urbaines se multiplient. Ni les armées, ni les services de télévision, ni les compagnies aériennes ne fusionnent. La nouvelle structure gouvernementale ne parvient pas à se substituer à l'ordre tribal traditionnel, notamment dans la partie septentrionale du pays. La mésentente règne. Après une longue période d'incertitude et d'affrontements, les élections législatives se déroulent finalement le 27 avril 1993: c'est un succès pour le processus de démocratisation engagé lors de la réunification. Les résultats sont favorables aux trois grands partis: 121 sièges reviennent au CGP, 56 au PSY, 62 au Rassemblement yéménite pour la réforme (le parti islamiste). Ces trois partis constituent un gouvernement de coalition. La vie politique est alors dominée par la réforme de la Constitution et la mise en place de nouvelles institutions. Mais le désenchantement gagne rapidement les Sud-Yéménites, qui ne comptent que pour 3 millions dans la population totale. L'accord de réconciliation signé à Amman (Jordanie) le 20 février 1994, qui donnait satisfaction aux Sudistes, ne les empêche cependant pas de déclarer unilatéralement leur indépendance (21 mai 1994). Mais, après un mois de combats, les troupes nordistes entrent dans Aden (le 5 juillet) et en chassent les dirigeants sudistes. Déclarée illégitime par le président Ali Abdallah Saleh, la déclaration de sécession du Yémen du Sud faite par le vice-président Ali Salem al-Baïd, relance les combats entre nordistes et sudistes, malgré l'intervention de plusieurs pays arabes qui portent le conflit devant le Conseil de sécurité de l'ONU. En mai 1998, le président Saleh doit faire face à une grave crise politique après la démission de son Premier ministre Faraj Ben Ghanem. Il confie à Abdel Karim al-Iriany la formation du nouveau gouvernement.