Accueil

ECONOMIE de L'IRAN

Panorama général Selon la Banque centrale d'Iran, le produit intérieur brut (PIB) pour l'année fiscale 1999-2000 se répartissait de la manière suivante : agriculture 24,8 %, pétrole 13,7 %, mines et industries manufacturières 22,3 %, services 39,4 %. Malgré des efforts pour améliorer la production agricole, l'Iran est loin de l'autosuffisance alimentaire. En important plus de 3,5 millions de tonnes de blé et plus de 200.000 tonnes d'orge en 1998-1999, le pays est même devenu un des premiers pays importateurs de céréales au monde. Les réserves prouvées en pétrole et en gaz sont respectivement les troisièmes et deuxièmes du monde. Les recettes pétrolières ont atteint en 2000-2001 20,6 milliards de dollars, alors qu'elles s'étaient élevées à 16,7 milliards de dollars les douze mois précédents. L'industrie, qui avait connu un développement important durant les années 1960-1970, est à l'heure actuelle dans une situation peu reluisante à cause de la faiblesse des investissements, du contexte socio-politique peu favorable ainsi que de l'absence d'une législation adéquate. 
 
L'histoire économique de la République islamique se divise en deux périodes distinctes. Une première phase, qui s'étend de la proclamation de la République islamique (février 1979) au cessez-le-feu intervenu dans la guerre avec l'Iraq (juillet 1988), caractérisée par l'étatisation ; et, une deuxième phase, réformiste, qui se prolonge sous la présidence de Khatami, dont l'objet est une restructuration progressive de l'économie tout en évitant une libéralisation brutale. 
 
L'étatisation de l'économie en Iran ne date pas de l'avènement de la République islamique. Dès les années 1930, on constate une forte intervention de l'Etat dans les affaires économiques. Mais le régime islamique va pousser l'étatisation à son paroxysme. Ainsi, dans les années 1980, au moment où de nombreux pays du Tiers Monde commençaient à libéraliser le fonctionnement de leur économie, le nouveau pouvoir iranien nationalisa les banques, les assurances, les institutions de crédits, les grandes entreprises agro-industrielles, les usines et fabriques dont les propriétaires étaient partis à l'étranger. Ces sociétés nationalisées passèrent soit sous le contrôle de l'Etat, soit furent mises à la disposition de fondations (bonyad) qui désormais formèrent un secteur para-étatique immense supervisé par le Guide de la révolution. De 1982 à 1988, le Premier ministre, Mir Hossein Moussavi, mena une politique économique où le contrôle de l'Etat sur les prix, les salaires, les importations, les crédits et la consommation ainsi que la centralisation de la gestion économique atteignirent des sommets rarement égalés. Durant cette période, le pays vécut une crise économique très grave. Selon certaines estimations, entre 1978 et 1988, le produit intérieur brut connut une baisse annuelle de 1,5 %. Compte tenu aussi de la croissance démographique, encouragée à cette époque par une politique nataliste, le pays fit un bond en arrière de vingt ans. 
 
L'effondrement de l'économie durant ces années, à cause de l'idéologie du régime et d'une gestion désastreuse, mais aussi en raison de la guerre Iran-Iraq et de la chute du prix du pétrole à partir de 1986, allaient amener les dirigeants islamiques à réviser leur programme et à promouvoir une nouvelle politique économique. Sous l'impulsion du nouveau président de la République, Ali-Akbar Rafsandjani, un premier plan quinquennal fut lancé en mars 1989 qui emprunta, sans le dire, ses grandes orientations au programme d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI. L'objectif était de passer de l'économie administrée et dirigiste à une économie de marché en unifiant les taux de change, en lançant un programme de privatisation, en rétablissant la vérité des prix et en encourageant les investissements étrangers. Il était aussi question de préparer «l'après pétrole», de passer d'une économie rentière à une économie basée sur la taxation et les impôts, de développer les exportations non-pétrolières, par exemple à travers l'ouverture de zones de libre-échange comme celle de l'île de Kish. 
 
Les objectifs de ce programme s'avérèrent cependant très difficiles à atteindre. La timide privatisation entreprise par Rafsandjani (1989-1997) fut un fiasco total. L'unification des taux de change lancée en 1993 fut abandonnée en 1994. L'inflation devint de plus en plus galopante. La dette extérieure, essentiellement composée de prêts à court terme à cause de l'embargo américain, augmenta d'une manière extraordinaire pour atteindre, en 1994, environ quarante milliards de dollars, situation sans précédent dans l'histoire contemporaine de l'Iran. Sans doute cet échec avait-il des causes multiples comme la chute des revenus pétroliers, l'insuffisance d'investissements tant nationaux qu'étrangers, les déficiences des infrastructures, le sous-développement de l'agriculture, une politique fiscale inadaptée, une productivité médiocre du secteur industriel, l'absence de motivation des salariés, la désorganisation généralisée qui avait suivi le départ à l'étranger des cadres compétents, l'existence d'une bureaucratie et d'une administration pléthorique, la mainmise sur des ressources importantes du pays par des groupes de mollahs, comités et autres fondations, agissant hors tout contrôle étatique. Mais à ces considérations d'ordre économique et social, qui à elles seules expliquent déjà largement l'échec du gouvernement Rafsandjani, il faut aussi ajouter des raisons de nature politique : aucune libéralisation véritable du système politique n'accompagna les réformes économiques, les divisions internes propres au régime persistèrent et l'isolement du pays sur la scène internationale se poursuivit, ce qui eut, du point de vue économique, de graves conséquences. 
 
Quant au président Khatami, son programme économique est assez flou. Comme Rafsandjani, il veut résolument engager des réformes, mais aux questions fondamentales comme l'option pour une économie ouverte et compétitive, la réforme des impôts, le démantèlement des bonyads, la suppression des subventions aux produits de base, son programme n'apporte que des réponses évasives. En fait, les deux tendances modernistes de gauche et de droite sur lesquelles il s'appuie ont des points de vue très divergents par rapport aux questions économiques. La première tendance est «étatiste» et la seconde fait confiance aux mécanismes régulateurs du marché. Par ailleurs, entreprendre des réformes économiques profondes en République islamique n'est pas chose aisée pour un gouvernement comme celui de Mohammad Khatami : cela signifie, en plus de la difficulté de la tâche elle-même, se heurter de front à de puissants bastions d'intérêts politiquement protégés qui entravent les changements nécessaires. Car dans le domaine économique aussi les réformateurs sont en position de faiblesse face aux conservateurs qui détiennent la plupart des leviers de commande de l'industrie et du commerce. Les conservateurs ont également un allié dont l'importance est considérable dans l'arène politique iranienne : le bazar. Les bazaris ont en effet jusqu'à présent amplement su tirer parti du système politique de la République islamique. Outre ceux-ci, le système économique a largement profité aussi à ceux qu'en Iran on appelle les aghazadeh (littéralement «fils de Monsieur»), parents et proches des clans cléricaux au pouvoir qui ont bénéficié des avantages accordés par l'État. Ainsi, la rente pétrolière est toujours captée par une minorité. 
 
En mars 1998, dans une intervention à la télévision, le Président Khatami qualifiait l'économie du pays de «malade». A la fin de son premier mandat, malgré une embellie à la suite de la montée du prix du pétrole, l'économie iranienne est loin d'avoir retrouvé la santé. En fait, quelques semaines avant l'élection présidentielle du 8 juin 2001, l'Organisation du plan rendait public un rapport sur la situation économique et sociale du pays où l'on pouvait lire, entre autres, que 40 % des Iraniens vivaient dans une pauvreté relative ou absolue. L'objectif, en matière économique, du deuxième gouvernement Khatami, entré en fonction le 24 août 2001, est d'atteindre un taux de croissance annuel de 6 %. Pour cela, le gouvernement doit recourir aux investissements étrangers et accélérer la privatisation ; il faut aussi changer le système bancaire et fiscal. Le chômage, la stagnation, l'inflation, la chute du pouvoir d'achat, touchant notamment les couches défavorisées, sont le lot quotidien des Iraniens depuis plus de vingt ans. Ainsi, pour la période de mars 2000-mars 2001, l'inflation a atteint 12 % selon les statistiques officielles, plus de 20 % selon les experts, tandis que le nombre de chômeurs approche les 5 millions, soit environ 15 % de la population active. 
L'agriculture
 
L'agriculture iranienne nourrissait la population du pays jusque dans les années 1960. La réforme agraire décidée par le gouvernement impérial en 1963 supprima le pouvoir des grands propriétaires, mais ne réussit pas à relancer le développement rural. Les 2,3 millions de nouveaux paysans propriétaires ayant en moyenne 5,8 ha de terre ont alors peu profité des investissements, qui sont allés aux exploitations en prise sur l'industrie agroalimentaire. L'Iran est ainsi devenu un grand importateur de produits alimentaires (pour un tiers de ses besoins). Avec plus de 26 % des actifs (3,2 millions de personnes), l'agriculture fournit 18 % de la production nationale. Si 44 % des 17 millions d'ha cultivés sont irrigués, les grandes régions agricoles sont situées dans le nord du pays et au Khuzistan, les provinces caspiennes fournissant à elles seules le quart de la production sur 4 % du territoire. Les productions de l'Iran sont très variées, mais les céréales (blé, orge, riz) occupent les trois quarts des surfaces. 
 
Avec plus de 58 millions de têtes de petit bétail, l'Iran reste un grand pays d'élevage, mais le développement des exploitations modernes près des villes ne compense pas le déclin des nomades, qui ne sont plus qu'environ 800.000 et ne possèdent plus que 20 % du petit bétail. Les grandes confédérations nomades du Zagros, Bakhtiyaris près d'Ispahan et Kashkays près de Chiraz, ont perdu leur pouvoir politique à partir de la tentative de sédentarisation forcée ordonnée par Riza Chah en 1930. Depuis 1980, la politique d'ouverture de petites routes de montagne a accéléré l'éclatement des structures collectives et tribales, chaque famille pouvant désormais se déplacer seule, en camion. Les migrations pastorales entre plaine (garmsir) et montagne (sardsir) restent néanmoins une technique d'élevage encore très vivante. 
 
Avec les fruits secs (pistaches) et les tapis tissés dans les villes et les villages, le caviar de la Caspienne est une des rares exportations non pétrolières de l'Iran. Cette activité, centrée à Bandar Anzeli, est contrôlée par une compagnie d'État qui développe également des pêcheries dans le golfe Persique (crevettes) et l'océan Indien (thon).
 
Le pétrole
 
Depuis la découverte de pétrole le 28 mai 1908 à Masdjed-e Soleyman par l'Écossais Knox d'Arcy, l'économie et l'histoire de l'Iran ont changé. L'Anglo-Iranian Oil Company, qui exploitait ces richesses, a été nationalisée en 1951 par le gouvernement Mossadegh. La nouvelle Société nationale iranienne des pétroles confia en 1953 la recherche et la production à un consortium international dominé par les compagnies américaines, mais laissant une large place à la British Petroleum. La production, qui avait atteint 250 millions de tonnes en 1978, était tombée à 65 millions à la suite de l'invasion du Khuzistan par l'Iraq. Après avoir atteint 21 milliards de dollars en 1979, la vente du pétrole n'a rapporté que 13 à 15 milliards de dollars par an de 1980 à 1988, pour remonter à 20 milliards en 1991, mais pour retomber à 12 milliards en 1995. Les ressources en gaz naturel constituent l'avenir énergétique et financier de l'Iran. Exporté à partir de 1975 vers l'URSS, le gaz iranien est surtout utilisé depuis 1980 pour les besoins intérieurs, l'essentiel de la production étant consommé par l'industrie sur les lieux d'extraction (Gatch Saran, Kangan). 
 
L'industrie
 
La rente pétrolière a permis à l'Iran de se doter d'infrastructures convenables (centrales électriques, routes, chemins de fer, télécommunications), autorisant une politique industrielle active sous la direction de la puissante organisation du Plan et du Budget. Le système économique est largement dominé par les compagnies d'Etat et les banques publiques, qui soutiennent un secteur privé dynamique, nationalisé en 1979 et acquis par des fondations parapubliques, comme la Fondation des déshérités, depuis 1989. Les personnes employées dans l'industrie, qui n'étaient que 100.000 en 1947, formaient en 1993 plus de 38 % de la population active, et près du double avec le secteur du bâtiment. L'Iran dispose d'une solide base industrielle, surtout concentrée dans la zone de Téhéran-Karadj, qui rassemble près de la moitié des entreprises du pays, ainsi qu'à Ispahan, Tabriz, Arak, Ahwaz, Chiraz, Zandjan. Les entreprises travaillent souvent en collaboration avec des sociétés étrangères, les activités, très diverses, allant des productions lourdes aux biens de consommation : acier (Ispahan, Ahwaz), montage automobile, chimie, électroménager (Téhéran), mécanique lourde, aluminium (Arak). Une politique active est menée pour développer de nouveaux centres industriels à Kerman (raffinerie de cuivre de Sar-i Tchachmè), Zandjan, Qazvin, Semnan, Qom ou Bandar Abbas, qui est appelé à devenir une vraie capitale pour le sud du pays. L'Iran n'est cependant pas devenu le «Japon du Moyen-Orient» : la durée de sa crise politique et la guerre contre l'Iraq ont été des freins certains au développement industriel du pays. Malgré les nouvelles perspectives offertes par l'ouverture des frontières de l'ex-URSS et une meilleure insertion régionale, l'Iran est handicapé par le manque de bons moyens de communications avec l'étranger : la seule grande route internationale qui le dessert est celle de la Turquie. 
 
La crise économique qui a suivi le renversement du régime impérial, la guerre, les incertitudes politiques et l'exil massif des cadres ont provoqué une forte augmentation du chômage et une hypertrophie du secteur commercial et des services, qui ont vu leurs effectifs grossir de 38 % en dix ans. Dans ce nouveau contexte de forte inflation liée à un effondrement de la valeur du rial s'est développée une économie parallèle florissante, contrôlée par une population issue en partie des bazars traditionnels.