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L'HISTOIRE DU LIBAN

Au cours du XVe siècle avant notre ère, les Phéniciens s'établirent le long de l'actuelle côte syro-libanaise. 
 
Des Phéniciens à l'Empire ottoman 
Ce peuple de marins, de langue sémitique, y fonda des cités-Etats (Tyr, Sidon, Byblos). Vers 1300 av. J-C, l'alphabet phénicien, composé de vingt-deux signes, supplanta le système cunéiforme et se répandit dans le monde méditerranéen. À la même époque, ces cités devinrent des «protectorats» égyptiens, puis passèrent sous la domination babylonienne, puis perse. L'indépendance relative de la Phénicie prit fin avec la conquête d'Alexandre en 333 av. J-C Le Liban fut alors intégré dans une vaste zone «syrienne», d'abord sous la domination du royaume hellénistique des Séleucides, avant d'être conquise par les légions de Pompée et intégré à la Provincia Syria, fondée par les Romains en 64 av. J-C En 395, lors du partage de l'Empire romain, la Syrie, devenue chrétienne, fut rattachée à l'Empire byzantin. À partir de 636, elle fut partie intégrante de l'Empire arabe. 
 
Les querelles théologiques déchiraient les populations, qui se divisaient en sectes. C'est sans doute dès cette époque que s'individualisèrent et commencèrent à s'opposer les différentes communautés. La montagne libanaise devint un territoire refuge; les maronites, des chrétiens de la région d'Antioche, soumis d'abord aux tracasseries des empereurs byzantins puis aux pressions arabes, s'y réfugièrent au VIIIe siècle. Elle offrit également l'asile aux chiites (IXe siècle) et aux druzes (XIe siècle). Les musulmans sunnites se répartissaient surtout dans la zone côtière et la Beqaa. La période des croisades fut fortement troublée: les Etats latins occupèrent la côte et la montagne avant d'être chassés par les mamelouks d'Egypte, qui rétablirent l'islam (XIIIe siècle). 
 
A partir du XVIe siècle, la domination ottomane ouvrit une nouvelle période. À la tête d'un immense empire multinational, la Sublime Porte n'exerçait pas de contrôle direct. L'autonomie était accordée après le paiement d'un tribut. Dans une certaine mesure, la société libanaise avait alors déjà acquis ses traits les plus marquants. Les très fortes solidarités familiales, proches du clan tribal, se fondaient sur des cousinages aux multiples ramifications. Elles se nouaient autour d'un chef avec qui les intéressés se découvraient une parenté à l'intérieur d'une même confession religieuse: la communauté devint un cadre d'organisation sociale. La montagne libanaise, région pauvre et semi-aride, aux villages fortifiés, était partagée entre les communautés se rattachant aux trois grands ensembles confessionnels: maronite, druze et chiite. Politiquement, cette période fut instable. À la fin du XVIe siècle, le chef druze Fakhr al-Din II conquit le Mont Liban et contrôla une partie de l'actuelle Syrie et de la Palestine. Au siècle suivant, l'influence druze déclina et ouvrit la voie à celle des maronites : une partie de la dynastie Chihab (ou Chehab) se convertit au christianisme et rejoignit la communauté maronite. Le Liban s'ouvrit à l'Europe pour tisser des liens commerciaux, religieux et culturels. Au XIXe siècle, le Liban devint le terrain des rivalités entre les grandes puissances européennes. En 1840 éclata un soulèvement contre les abus de Bachir II Chihab et de son suzerain, Méhémet-Ali, vice-roi d'Égypte et maître du pays depuis 1831. Les puissances européennes assurèrent la protection de certains groupes ethnico-religieux. Les affrontements entre druzes et maronites devinrent violents (massacres de maronites en 1860). La France, qui assurait la protection des maronites, intervint en 1861 et fit reconnaître par les Ottomans l'autonomie du «Mont-Liban». Un gouvernorat autonome maronite, placé sous sa protection, fut créé en 1864. 
 
 
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman, allié des Allemands, fut démembré. Conformément à l'accord Sykes-Picot (1916), la France reçut en 1920 un mandat sur le Liban et la Syrie. En 1920 fut créé le «Grand Liban», dont les frontières étaient celles du pays actuel. Cette nouvelle entité territoriale suscita l'opposition des nationalistes arabes, qui souhaitaient la création d'une «Grande Syrie» englobant Syrie, Liban, Palestine et Transjordanie. La Syrie, en particulier, indépendante en même temps, n'admit jamais d'être privée d'une grande partie de sa façade maritime. Occupé par les Britanniques en juin 1941, le Liban obtint sa totale indépendance en 1943. Un «pacte national» visa à établir un équilibre entre les communautés: les chrétiens étant les plus nombreux, le président de la République serait maronite; le président du Conseil, sunnite; le président du Parlement, chiite. Le Liban participa à la fondation de la Ligue arabe en 1945. Les vingt premières années de l'indépendance furent marquées par une prospérité économique, qui, toutefois, accrut les inégalités sociales. 
 
L'importante croissance démographique des communautés musulmanes allait faire éclater ce fragile équilibre communautaire. Le gouvernement libanais ayant soutenu la position des Occidentaux dans le conflit qui les opposait à Nasser, l'opposition entre les nationalistes arabes (majoritairement musulmans), appuyés par la République arabe unie (union de l'Égypte et de la Syrie, 1958-1961), et les pro-Occidentaux (essentiellement chrétiens), appuyés par l'Iraq et la Jordanie, provoqua des affrontements intercommunautaires et l'intervention des États-Unis en 1958, appelés par le président Camille Chamoun. 
La guerre civile libanaise 
Chronologie (1948) 
 
Face à la question israélienne, la position libanaise s'était toujours placée en retrait par rapport à celle de ses voisins arabes. Les 77 km de frontière commune entre les deux pays étaient restés assez calmes. Le Liban accueillit les Palestiniens chassés de Galilée après 1948. Ces derniers s'installèrent dans des camps périurbains et fournirent la main-d?œuvre nécessaire au cours de la période de prospérité. Après la guerre israélo-arabe de 1967, à laquelle le Liban ne prit pas part, les réfugiés palestiniens affluèrent en masse; au lendemain des affrontements avec l'armée hachémite, en septembre 1970 («Septembre noir»), l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), chassée de Jordanie, s'installa avec ses combattants sur le territoire libanais. Quelque 500?000 Palestiniens vivaient ainsi au Liban (environ 15 % de la population). Cette présence palestinienne, habilement circonscrite dans le territoire libanais, allait provoquer l'intervention des armées de deux puissants voisins: la Syrie et Israël. La fragile construction étatique ne pouvait résister à ces événements et la guerre civile éclata en avril 1975. 
 
Chronologie (1975) Elle opposa le Mouvement national libanais qui rassemblait de nombreux musulmans, nationalistes progressistes ou nassériens, et des membres d'organisations de gauche sous l'égide de l'OLP, au Front libanais regroupant essentiellement, autour des phalanges maronites, les partis chrétiens hostiles à l'OLP. Les milices palestiniennes prirent une part prépondérante dans les affrontements avec les phalanges chrétiennes. En 1976, une première intervention de la Syrie tenta de contenir les Palestiniens, auxquels elle avait pourtant apporté son appui dans le passé (1965). En 1978, Israël occupa le Sud-Liban, mais son armée dut composer avec la Force d'interposition des Nations unies (FINUL). Cette dernière ne put cependant empêcher en 1982 une nouvelle, et plus meurtrière, intervention israélienne (opération «Paix en Galilée»), au cours de laquelle Beyrouth fut assiégée et l'OLP chassée. Les Israéliens se retirèrent en 1985, mais gardèrent le contrôle d'une bande de territoire d'environ 1?200 km² dans le sud du Liban (toujours occupée en 1998). 
 
Les Syriens, qui intervinrent à nouveau en 1983 contre l'OLP dans la partie septentrionale du pays (siège de Tripoli), prirent le contrôle de 60 % du territoire et occupèrent désormais une position de force. Amine Gemayel (maronite) devenu président de la République en 1982, forma en 1984 un gouvernement d'union nationale soutenu par la Syrie. La guerre civile se poursuivit néanmoins, compliquée par des luttes entre les différentes tendances musulmanes, parti socialiste progressiste (druze), Amal et Hezbollah (ce dernier multipliant les prises d'otages occidentaux). Ces conflits entre les communautés libanaises firent craindre une rapide désagrégation : l'ordre imposé et garanti par le «protectorat» syrien sembla à beaucoup préférable à la perpétuation de la guerre civile. Après l'expiration du mandat du président Gemayel en 1988, les accords de Taef (octobre 1989), définissant un rééquilibrage de la représentation légale des communautés religieuses au profit des musulmans, permirent un progressif retour au calme, malgré une dernière résistance de certaines factions chrétiennes (tentative de rébellion du général Michel Aoun); ces accords, entérinant le protectorat syrien, prévoyaient la réduction du pouvoir du président maronite en faveur du Premier ministre (sunnite), du président de l'Assemblée nationale (chiite) et du Conseil des ministres. 
 
Le Liban aujourd'hui Le retour au calme s'instaura peu à peu, mais le Liban sortait meurtri (145.000 morts, 200.000 blessés, 18.000 disparus) et ruiné par ces conflits. Il ne contrôlait plus désormais la totalité de son territoire. Aux confins méridionaux, Israël occupait toujours une bande d'une quarantaine de kilomètres, tandis que, dans une vaste zone sous contrôle syrien, la souveraineté de l'État libanais n'était toujours pas restaurée : dans un environnement géopolitique marqué par la guerre du Golfe, la Syrie et le Liban signèrent en mai 1991 un traité «de fraternité et de coopération», qui revenait à une reconnaissance du statut de la Syrie comme puissance tutélaire; ses troupes occupent toujours les parties septentrionale et orientale du pays, notamment dans la plaine de la Beqaa. En 1995, le mandat du président Elias Hraoui (élu en 1989) fut prorogé de trois ans. En place depuis octobre 1992, le gouvernement de Rafic Hariri, un homme d'affaires sunnite, établit peu à peu les conditions d'une reprise économique: la croissance du PIB a été de 12 % en 1992 et de 10 % en 1993. L'année 1998 fut marquée par l'arrivée au pouvoir du président Émile Lahoud et celle de Salim el-Hoss à la direction du gouvernement. Alors que la reconstruction de Beyrouth était amorcée sur fond de reprise de la croissance économique, la situation politique du Liban s'envenima par la tension israélo-arabe. Après l'opération «Raisins de la colère» lancée en 1996, les troupes israéliennes multiplièrent les bombardements contre les positions du Hezbollah pro-iranien. Au premier semestre 2000, la pression des forces du Hezbollah s'accentua, provoquant de nombreuses désertions dans les rangs des troupes israéliennes et jetant le trouble dans ceux de la force d'interposition de l'ONU (Finul). L'urgence de la situation contraignit ainsi le Premier ministre israélien, Ehud Barak, à précipiter le calendrier initialement prévu, qui, selon la résolution adoptée le 5 mars, prévoyait un retrait effectif de l'armée israélienne au plus tard en juillet, et à annoncer officiellement, le 23 mai, le départ des troupes israéliennes du Liban sud, qu'elles occupaient depuis 1978. 
 
Etat et institutions Au XXe siècle se posa la question de savoir comment traduire dans le champ politique l'organisation d'un nouvel État constitué de multiples communautés confessionnelles, alors que la montagne libanaise était jusque-là fondée sur la dualité maronito-druze. Les nouvelles institutions s'adaptèrent au caractère segmenté d'une société dans laquelle on dénombrait 17 communautés confessionnelles. Deux textes fondamentaux, la Constitution et la loi électorale de 1926, ainsi que le Pacte national de 1943, fondèrent un système politique original: le «communautarisme» politique, ou confessionnalisme, qui s'inscrivait dans une république parlementaire. 
 
La société libanaise fut définie comme une coalition de communautés proposant une distribution inégale des responsabilités et des postes politiques. La base de l'évaluation était constituée par les données démographiques de 1932 (dernier recensement officiel), qui dénombrait un peu plus de chrétiens (51,2 %) que de musulmans (48,8 %) et plaçait les maronites en tête de toutes les communautés. La répartition des principales responsabilités politiques et administratives se faisait entre les six grandes communautés: maronite, grecque orthodoxe, grecque catholique, sunnite, chiite et druze. Si au gouvernement et dans la fonction publique le mode retenu faisait appel à la parité, la hiérarchie n'en revenait pas moins aux maronites (présidence de la République et commandement de l'armée), aux sunnites (chef du gouvernement), aux chiites (présidence du Parlement) et aux Grecs orthodoxes (vice-présidence). À tous les niveaux, sous prétexte de garantir une distribution «équitable» du pouvoir, le critère communautaire prenait le pas sur tous les autres. Avec le système des quotas, chacune des six grandes communautés détenait un droit de veto implicite en cas de désaccord. Ce système était figé: rien n'était prévu pour l'adapter à l'évolution démographique. Les accords de Taef, le 22 octobre 1989, ont modifié ces dispositions en faveur des musulmans, devenus majoritaires dans le pays. Le nouveau système institue une collégialité entre le président de la République, le chef du gouvernement et le président de l'Assemblée. Le chef de l'État ne peut plus désormais ni révoquer le chef du gouvernement ni dissoudre la Chambre.