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L'HISTOIRE de la THAILANDE

 Sous la pression des conquérants mongols, qui mettent la main sur la Chine, les Thaïs quittent les hautes vallées du Yunnan au milieu du XIIIe siècle. Ils s'installent en Asie du Sud-Est à la faveur de petits établissements prospérant en marge des deux principautés môn-khmères qui contrôlaient l'actuel territoire thaïlandais et auxquelles ils fournissaient des unités supplétives pour l'armée. Les Thaïs s'affranchissent de la souveraineté khmère et s'engagent sous l'autorité de Rama le Fort, à la fin du XIIIe siècle, dans la péninsule de Malacca: un État thaï, disposant d'un territoire, était né face à l'Empire malais. Aux Mongols, il a emprunté leur organisation militaro-administrative et leur stratification sociale; aux Khmers, il doit sa religion, le bouddhisme cinghalais, et l'écriture cursive.

La consolidation du royaume de Siam

A la conquête d'un espace et à l'émergence des premières structures étatiques, au cours de l'ère de Sukhothai (1220-1349), succède une période de consolidation des structures territoriales et politiques sous l'ère d'Ayuthia (1350-1782). Durant cette dernière, l'instabilité des limites à l'intérieur desquelles l'Etat exerce son autorité constitue une constante. La politique extérieure, plus marquée par les actions militaires que par les relations diplomatiques, oscille entre la tentation de contrôler la vallée du Mékong – où la puissance khmère est durablement affaiblie – et la nécessité de contenir l'expansionnisme birman: Ayuthia, capitale du royaume de Siam, est prise par les Birmans (1563), qui y établissent leur tutelle pendant quinze ans.

L'Etat thaï, qui renaît à la fin du XVIe siècle, doit compter avec le jeu des grandes compagnies de commerce, bras armé de l'expansionnisme européen depuis l'ouverture de la route maritime des Indes. Tributaire de l'océan Indien, le royaume de Siam doit résister aux visées portugaises, hollandaises puis anglaises. Le roi Phra Narai (1657-1688), conseillé par un surintendant du commerce extérieur d'origine grecque, Constantin Phaulkon, sollicite l'alliance de la France. Les fastes de la réception à Versailles d'une ambassade siamoise par le Roi-Soleil, en 1684, ont inspiré la littérature française de l'époque. Trois ans plus tard, une escadre de six navires, partie de Brest, se rend à Bangkok pour fortifier la ville. Mais la maladie et la mort de Phra Narai font naître une période d'instabilité. Les troupes de Louis XIV se replient sur les Indes françaises alors que se manifestent à nouveau des menaces aux frontières. Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, le Siam doit contenir, en rencontrant des succès divers, les prétentions vietnamiennes sur le Cambodge. Au cours de la seconde moitié du siècle, la pression birmane resurgit et se concrétise par la prise d'Ayuthia en 1767. Cependant, le général Phya Tak (ou Taksin) réorganise l'armée, lance une contre-offensive victorieuse et se fait proclamer roi. Profitant de l'affaiblissement de la partie vietnamienne, il annexe le royaume laotien de Vientiane et renforce ses positions au Cambodge.

La dynastie Chakri (1782-1932)

En 1782, Phya Tak est exécuté après avoir été détrôné par le général Chakri. Prenant le titre de Rama Ier (1782-1809), celui-ci inaugure une dynastie qui va veiller sur les destinées du royaume jusqu'à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. L'œuvre de renaissance de la puissance thaïe est poursuivie, et le pays s'ouvre sur l'Occident tout en maintenant son intégrité territoriale et son indépendance.

Donnée constante dans l'histoire de la péninsule, les territoires khmer et laotien, peu peuplés, constituent une zone-tampon entre les puissances thaïe et vietnamienne, dont l'expansionnisme se fait surtout sentir à partir de la première moitié du XIXe siècle Dès lors, un véritable condominium siamo-vietnamien exerce son contrôle sur les régions du Mékong: le Sud du Cambodge est annexé par les Vietnamiens, tandis que les provinces orientales du pays des Khmers passent sous contrôle siamois.

L'impérialisme croissant des puissances européennes va mettre fin à l'équilibre relatif instauré dans la péninsule indochinoise par ses deux puissances dominantes. Mais alors que le Viêt-nam (Tonkin, Annam et Cochinchine) devient protectorat français, le royaume de Siam préserve son indépendance, grâce surtout à l'action de Rama V (1868-1910), qui sait habilement tirer profit de la rivalité entre les puissances coloniales, même au prix de la reconnaissance des protectorats français sur le Cambodge et le Laos (1867), puis anglais sur les sultanats malais (1874). Entouré par des possessions européennes, le royaume de Siam, devenu à son tour un «Etat-tampon», met à profit cette nouvelle ère de stabilité dans la péninsule pour moderniser le pays. Le roi encourage l'immigration chinoise et fait appel à l'expertise occidentale pour réorganiser l'administration et construire un réseau ferré. 

La Thaïlande contemporaine La crise économique mondiale provoque la chute des prix du riz dès la fin des années 1920 et multiplie le nombre des mécontents envers un régime qui a laissé dériver les finances publiques et n'a nullement entamé sa démocratisation.

Le coup d'Etat fomenté en 1932, qui maintient la monarchie, est l'œuvre de cadres militaires et administratifs. En l'absence d'une bourgeoisie d'affaires, rôle accaparé par les Chinois et les Occidentaux, cette couche sociale va rapidement s'identifier à l'appareil d'Etat, initiant une longue période au cours de laquelle les forces armées vont jouer un rôle prépondérant. A partir des années 1960, à la faveur de la croissance économique, l'émergence conjointe d'une classe moyenne et d'une bourgeoisie nationale, en même temps que l'assimilation des Chinois, va reléguer les militaires du rôle de gouvernants à celui de garants de la stabilité politique.

Entre 1932 et 1973, les coups d'Etat rythment la vie politique mais n'en changent guère la nature. Ils expriment la rivalité entre clans liés à la classe militaro-administrative dans leur lutte pour accéder au pouvoir. Les gouvernements successifs, plus autoritaires que tyranniques, démontrent l'immobilisme du système alors que le pays connaît de profondes mutations socio-économiques, que traduit, entre autres, l'apparition d'un prolétariat urbain et rural. Ce n'est qu'en s'appuyant sur les revendications des minorités que le Parti communiste thaïlandais (PCT), fondé en 1942, parvient à déclencher des foyers de guérilla. Leurs actions, contrairement à ce qui se passe en Indonésie et aux Philippines, ne menacent cependant pas le pouvoir central. Au début des années 1990, la Thaïlande prend la forme d'une démocratie parlementaire, au sein de laquelle les partis politiques se distinguent par un clientélisme appuyé sur la nouvelle classe moyenne; ils gouvernent par coalitions sous l'œil désormais moins vigilant des militaires. Si en janvier 1995 la Thaïlande a vu proclamer sa quinzième constitution depuis 1932, le roi Bhumibol Adubjadej a célébré ses cinquante ans de règne en juin 1996.

Le contexte géopolitique régional

Les contraintes extérieures, dès les années 1930 puis pendant la guerre froide, ont permis aux forces armées de jouer un rôle prépondérant dans la vie politique thaïlandaise. Lorsque les militaires accèdent au pouvoir en 1932, l'autre théâtre de la Seconde Guerre mondiale se met en place. En refusant de condamner l'agression japonaise en Mandchourie à la Société des Nations, le nouveau régime de Bangkok cherche, maladroitement, un appui extérieur. En 1938, le Japon est devenu le principal fournisseur du royaume; des traités d'amitié (1940) et d'alliance (1941) sont signés entre les deux pays.

L'expansionnisme sino-soviétique et la décolonisation de l'Indochine permettent à la Thaïlande de faire oublier ses alliances avec le Japon. Dès 1965, les troupes américaines installent des bases sur le sol thaïlandais; jusqu'en 1972, des divisions terrestres siamoises participent même au conflit vietnamien. Dès 1976, un an après le retrait définitif des troupes américaines stationnées dans la région, l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) – qui comprend la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie, Singapour, Bornéo et les Philippines – ajoute à sa vocation économique un caractère politique. Cependant, la Thaïlande ne parvient pas à convaincre ses partenaires, moins exposés à l'hégémonisme vietnamien, de constituer une alliance militaire. Disposant de la plus puissante armée de la région, le Viêt-nam met à profit cette situation pour reprendre pied au Laos et au Cambodge. Ses soldats entrent le 7 janvier 1979 à Phnom Penh pour chasser du pouvoir les sanguinaires Khmers rouges. La mainmise vietnamienne sur le Laos et le Cambodge fait une nouvelle fois perdre à ces pays leur fonction d'«États-tampons»: les forces thaïlandaises et vietnamiennes se trouvent face à face. Pendant une dizaine d'années, la Thaïlande déploie une intense activité diplomatique visant à faire reculer le Viêt-nam: Bangkok mobilise ses partenaires de l'ASEAN, resserre ses liens avec Washington et établit une relation privilégiée avec la Chine (Pékin est opposé à l'expansionnisme vietnamien). En même temps qu'elle accueille sur son sol le flot des réfugiés laotiens et cambodgiens, la Thaïlande devient la base arrière de la lutte contre le régime pro-vietnamien de Phnom Penh (les armes chinoises parviennent à la guérilla khmère via la Thaïlande). Toutefois, les affrontements directs avec les forces vietnamiennes ou provietnamiennes restent rares. Cette «discrétion» ne tarde pas à être couronnée d'un succès qu'amplifiera l'affaiblissement du soutien de l'URSS au Viêt-nam.

La guerre froide a aussi pris fin en Indochine: le Viêt-nam a retiré ses troupes du Laos puis du Cambodge, ouvrant la voie à la Conférence de Paris (octobre 1991), relative à la crise cambodgienne. Dès lors, les considérations économiques prennent le pas sur les impératifs de sécurité. Les hommes d'affaires et les entrepreneurs thaïlandais sont désormais les mieux placés pour tirer profit du retour à l'économie de marché du Cambodge et du Laos. Par ailleurs, une révision constitutionnelle apporte une ouverture démocratique au pays. En 1995, Chuan Leekpai, chef du parti démocrate, prend la tête du gouvernement. Banharn Silapa-Archa, chef du parti Chart Thaï, lui succède. En novembre 1997, la grave crise financière qui touche le pays, contraint le général Chaovalit Yongchaiyudh, nommé en 1996 et chef du parti de la nouvelle aspiration (NAP), à démissionner. Le roi Bhumidol Adulyadej désigne Chuan Leekpai pour le remplacer à la direction du gouvernement. Durement éprouvée, l'économie du pays connaît cependant un regain d'activité grâce aux programmes de restructuration mis en œuvre par le gouvernement. Principalement axés sur l'allègement de la dette des entreprises et la relance de la consommation, ces plans permettent en effet à certains secteurs, tel celui des finances, de connaître une reprise, mais selon l'opposition, elle s'opère au détriment des secteurs les plus fragiles et des classes défavorisées.